POURQUOI ECRIRE ? La question se pose-t-elle en ces termes ? y a-t-il toujours besoin d’une cause pour écrire ?Peut-être qu'aujourd'hui pouvons-nous considérer qu'écrire est une évidence ! L’écriture a été pour l’homme une manière de perpétuer sa connaissance d’un monde dans lequel il n’était encore qu’un novice. Depuis quelques représentations rupestres jusqu’à des caractères balbutiants, le désir existait déjà de marquer son passage. Avait-il vraiment dans l’idée de laisser une trace pour sa postérité ? Ou bien d’une manière plus horizontale, voulait-il juste communiquer avec ses contemporains alors qu’il n’était pas encore préparé à la sédentarité ? Laisser une trace de son passage alors que son groupe serait déjà parti à la recherche d’un autre lieu d’abondance. Peu importent les raisons qui ont mené l’Homme à l’Ecriture, elles s’avèrent être un aboutissement normal pour des créatures dotées de la faculté de raisonner.
Aujourd’hui l’Ecriture reste le moyen fondamental, soutenu par l’Image, pour transmettre toutes sortes de messages nécessaires à la communication entre les humains de toute la planète. Elle répond aussi aux besoins de partager et de garder les informations transmises depuis son invention, traversant ainsi le temps autant que l’espace. Permettant aux individus de partager leurs idées, de décrire leurs émotions, d’analyser et de comprendre le monde qui les entoure ou encore d’anticiper sur des évènements prévisibles, l’Ecriture a sorti l’Humanité de ses ténèbres. Grâce à elle il fut possible de transmettre les connaissances donc d’instruire les générations les unes après les autres. Elle a aussi permis de sauvegarder les informations essentielles à l’apprentissage des choses de l’esprit, parmi elles la philosophie, les mathématiques, l’astronomie et bien d’autres disciplines ayant pu être complétées et améliorées au fil des siècles.
Pour l’individu, savoir écrire va de pair avec savoir lire, moyens par lesquels la Connaissance peut être acquise et retransmise d’un groupe à un autre. Outre la faculté d’éduquer et d’informer, les buts de l’Ecriture diffèrent selon le contexte de ceux qui la pratiquent. Outil de réflexion personnelle, elle favorise la créativité, permet de pérenniser les multiples facettes d’une culture ou d’en faire découvrir d’autres. Par le pouvoir de la rhétorique, elle permet aux esprits vifs d’expérimenter les joies de l’argumentation, du raisonnement et de la persuasion. Si on en croit par la complémentarité intime de la Lettre et de la Parole, on comprend alors l’importance de la lecture qui n’est que l’absorption intellectuelle de l’Ecriture. Du pouvoir des mots écrits découle donc la force de l’éloquence !
Pour l’écrivain qui fait de sa plume sa raison d’être, l’utilisation des mots reste une discipline allant du besoin de créer des images, des personnages ou des situations, jusqu’à la performance de transporter son lecteur dans un autre monde. Un voyage dans lequel toutes les sensations, les émotions, les odeurs, les sons, tout ce qui fait un autre univers, veut se révéler vivant et réel. Un voyage authentique pour celui qui aura choisi ce périple, seulement sur les promesses d’un titre porté par un assemblage de mots et peut-être d’images. L’acte de création qui permet à un auteur de donner forme à son imagination au travers de la manière d’exister et de penser de ses personnages, n’est autre qu’une façon de mettre en lumière ses propres pensées. Une manière aussi de dévoiler tout ou partie de ses convictions intimes ou ses réquisitoires contre certaines engeances trop bien établies.
Ainsi l’écrivain, par le biais d’une écriture savamment orientée, peut se connecter au monde, partager avec lui une certaine vision de la société, dénoncer ses dérives et marquer ses avancées. Ou à l’inverse celui qui écrit peut entrainer d’autres esprits faibles dans le négativisme, le complotisme, la défiance et la déprime. Cependant grâce à des mots animés de sentiments plus humanistes, celui qui écrit peut aussi essayer de corriger les injustices, éveiller les consciences, pousser au changement en douceur ou provoquer une révolution libératrice.
L’Ecriture dort souvent dans des monuments qui recèlent les fondements mêmes des grandes religions ou qui distillent lentement des philosophies humanistes. Mais la Lecture qui est son pendant naturel, trouve de moins en moins d’adeptes dans la société actuelle qui mène ses troupes dans une frénésie consumériste ne laissant plus de place aux désirs de connaissances ancestrales. Et la littérature ? Elle qui a utilisé cet art de la plume pour raconter la vie, la mettre en scène, l’embellir, la décortiquer, la révéler et tout cela grâce aux signes que l’Ecriture permet d’agencer à la seule fin de notre compréhension !
Aujourd’hui on peut parler d’une Institution littéraire qui analyse, regroupe, juge de la production des écrits, de leurs rôles dans l’évolution de la société et dans la formation des scolaires. C’est dire l’importance de ces lettres posées par milliers sur des documents ou dans des ouvrages et qui traduisent non seulement les pensées mais aussi les intentions d’un individu autant que celles de toute une société. Cette toile tissée de signes emmêlés et agencés par la volonté de tous ceux qui ont voulu poser leurs idées sur un support pouvant être diffusé, se tend telle une voile, se gonflant de connaissances et faisant avancer l’humanité.
L’Ecriture, par la trace de l’encre sur le papier, déverse aussi les émotions qui imprègnent l’âme de celui qui écrit. Exutoire parfois, recherche de sa propre identité ou encore thérapie contre un mal de vivre, les raisons sont pléthore si on veut les répertorier. Mais je pense qu’avant tout l’Ecriture est une nécessité intérieure se traduisant par un grand désir d’expression et de rencontre avec les autres. Le besoin de réussir une conjonction des mots et des émotions est à la base de tout acte d’Ecriture, on peut après tout parler d’inspiration ou de compétence mais le principal demeure l’écrivain avec son désir concrétisé de réflexion et de partage.